jeudi 4 février 2010

Internet, oublie-moi !

Les sénateurs et la secrétaire d’Etat à la prospective et au développement de l’économie numérique Nathalie Kosciusko-Morizet se penchent sur une nouveau problème lié à Internet : le droit à l’oubli. Des Internautes s’inquiètent que plusieurs sites conservent sur le long terme des informations relevant de leur vie privée. Leur e-réputation est en jeu.

Après le temps des interdictions (symbolisé par la loi HADOPI), vient le temps des droits. Oui, l’internaute a aussi des droits sur Internet ! Sauf qu’il faut parfois les revendiquer. C’est le cas du droit à l’oubli. Il existe déjà dans le monde réel. Nous connaissons la prescription, une sorte d’amnistie qui efface les crimes ou délits d’un individu commis il y a plus de trente ans. Nous connaissons aussi les repentis, ces ex-mafieux qui balancent à condition qu’on oublie leur vie antérieure. Deux sénateurs ont déposé en novembre 2009 un projet de loi pour étendre le droit à l’oubli au monde de l’Internet, sujet dont s’est ensuite emparée Nathalie Kosciusko-Morizet, la secrétaire d’Etat à la prospective et au développement de l’économie numérique.

Diantre, qu’est-ce qui vaut la peine d’être oublié sur le web ? De plus en plus d’Internautes se livrent sur la Toile … sans avoir d’ailleurs toujours conscience de leur indiscrétion. Leur vie privée s’étale sur FaceBook, sur MySpace, sur Skyblog, sur Flickr... Leurs photos, leurs vidéos, leurs commentaires, leurs opinions se montrent aux yeux de tous. Je vous renvoie à l’excellentissime article du Tigre repéré par mon collègue Vivian. Dans ce papier, le journaliste s’était donné pour tâche de reconstituer la vie d’un individu à partir des traces qu’il avait laissées sur Internet. Le résultat de son enquête était édifiant. En croisant les renseignements glanées sur plusieurs sites, le journaliste parvenait à savoir son métier, son parcours professionnel mais aussi ses lieux de vacances, ses petites amies... Bref un inconnu devenu illustre si on se donnait la peine de parcourir le web. Dans plusieurs années, assumera-t-on nos écrits et nos clichés ? Vous aimerez peut-être cacher cette photo où vous étiez déguisé en travesti ? Vous regretterez peut-être ce discours que vous avez jadis tenu sur les vertus de l’anarchisme. Autant de casseroles et de boulets qui pourraient vous coûter cher avant un entretien d’embauche ou lors d’une candidature à une élection.

Internet ne souffre pas de la maladie d’Alzheimer : il se souvient de tout. A la différence du cerveau humain, il n’a pas une mémoire sélective qui se dégrade au fil des années. Il garde tout, le meilleur comme le pire, et pour longtemps. Qui plus est, on retrouve facilement ce vous avez dit ou fait sur le web. Grâce à Google, l’aiguille s’extrait facilement de la botte de foin. Un nom inscrit dans le moteur de recherche, une pression sur la touche Entrée et voilà l’identité numérique de la personne qui s’affiche.

Quelle solution face à ce problème ? C’est le travail de Nathalie Kosciusko-Morizet. Il faudrait offrir aux Internautes la possibilité d’effacer eux-mêmes les informations qu’ils ont laissées sur Internet. Les sites web le proposent parfois mais c’est souvent si discret et si compliqué que peu savent le faire. Par exemple, pour supprimer son compte Facebook, savez-vous qu’il faut passer par le menu « Aide », puis « Paramètres de connexion » puis envoyer à Facebook un message de demande de suppression ? En anglais, qui plus est. Evident non ? Une loi pourrait contraindre les sites à offrir des solutions systématiques et faciles. Mais sur un réseau mondialisé comme Internet, les mesures nationales n’ont malheureusement pas beaucoup d’effets. D’autant plus que les sites concernés par le droit à l’oubli sont essentiellement américains. Spécialiste du sujet, le professeur Viktor Mayer-Schönberger imagine de fixer des dates d’expiration pour les informations que nous laissons sur Internet. Une fois la date atteinte, l’information est automatiquement supprimée. Techniquement, est-ce facilement réalisable ?

La meilleure solution ne serait-elle pas une auto-censure. Il suffit de se rappeler qu’Internet est un espace public et qu’en conséquence certaines informations intimes, privées ou confidentielles ne méritent pas d’y figurer.

A lire : l'article de Viktor Mayer-Schönberger sur Ecrans, le site consacré au multimédia sur Libération.fr

Photo : montage personnel à partir de la photo d'ia7mad sous licence Creative Commons

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