samedi 31 janvier 2009

Bibliothèque idéale

A chaque fois, c'est pareil. Je voulais vous parler d'un CD de musique; j'écris sur un livre. C'est ça d'être normande ascendant Balance : le choix est toujours cornélien.
Aujourd'hui, je peux néanmoins ménager la chèvre et le chou: je vous présente un livre-CD.


Dans ma «bibliothèque idéale », je demande donc Monsieur Satie : l'homme qui avait un petit piano dans la tête (ed. Didier jeunesse). A lui seul, ce livre-CD est un condensé des grands talents : auteur, musiciens, récitant, illustratrice, tous sont réunis pour le meilleur et le rire. Car, oui, dans ce livre qui présente la vie et l'oeuvre du musicien honfleurais Eric Satie (1886-1925), il y a de la musique naturellement, de la poésie souvent et de l'humour toujours. Plus que de l'humour, il serait plus vrai de parler de fantaisie, de décalage. Le mot «surréalisme » aurait même été inventé par Apollinaire pour décrire l'univers si particulier du musicien.

Artiste en avance sur son temps (il est un des pionniers dans l'introduction de sons de la rue dans sa musique), l'homme fut cependant en retard sur sa vie, vivant pauvre, solitaire et le plus souvent incompris de ses pairs.

Pour une petite mise en bouche, voici les 1eres lignes du livre qui reflète fidèlement l'esprit du personnage :

Monsieur Satie souffle sur son chapeau. On dirait que des notes s'envolent avec la poussière. Il fait froid chez lui. Dans son aquarium, les poissons éternuent.

Quand Monsieur Satie laisse la fenêtre ouverte, il pleut des glaçons. Sur le piano, deux petites bougies grelottent. Elles ne se souviennent plus d'avoir été allumées.

Monsieur Satie n'a même pas assez d'argent pour s'acheter un oiseau. Alors, dans une petite cage, il a mis le dessin d'un oiseau.

- Oh ! Avec un peu de chance, il chantera quand même bien un peu ! Se dit-il.

Dans sa poche, Monsieur Satie gardent deux sous qui s'aiment très fort. Ils s'aiment tellement que parfois ils lui font un bébé tout rond, un petit centime. De quoi s'acheter un bonbon, une poire, un peu plus que moins que rien.

Le texte du livre est écrit par Carl Norac, auteur belge qui s' illustre depuis longtemps dans de très beaux albums pour la jeunesse. Sur le CD, c'est la voix chaleureuse et atypique de François Morel qui donne à écouter l'histoire. Enfin, le tout est couronné par de longs extraits musicaux de Satie et de superbes illustrations double-page de Elodie Nouhen.

Convaincu ?


vendredi 30 janvier 2009

Pif le chien retourne à la niche et n'en sortira plus !

Dimanche soir en regardant les infos sur Google actualité je suis tombé sur un article qui m'a quelque peu attristé, à savoir la fin définitive du journal Pif Gadget.

Comme beaucoup de gamins j'ai bien connu ce journal ainsi que tous les héros que l'on pouvait y rencontrer. Je me suis aussi souvent essayé au montage des gadgets et des expériences diverses qu'il proposait. De biens beaux et bons souvenirs !

Un bref Historique
Le journal Pif Gadget est apparu en 1969.Pour être plus précis, le journal est né le 24 février 1969. Pif Gadget faisait suite au journal Vaillant. Ce journal grâce à des trouvailles astucieuses a été un phénomène éditorial important durant les années 60 et 70. Les tirages étaient de l'ordre de 500 000 exemplaires pour atteindre jusqu'à 1 million. Il avait pour particularité de proposer aux enfants des gadgets à chaque numéro.

Les gadgets les plus connus sont la poudre de vie (les pifises) en quelques jours 1 million d"exemplaires seront vendus. Les poids sauteurs du Mexique (les Pifitos) ont permis aussi des ventes records. Il s'agit de larves de papillon qui cherchent à sortir de leurs coques. Ce gadget a failli coûté la vie au journal. Tout d'abord il fallait les acheter et les conditionner à la bonne période. Avant, ces faineants ne sautent pas et après les enfants n'auraient trouvé qu'un papillon pas très beau.

Des enfants empoisonnés !
Le fournisseur pouvait fournir 1 million de ces petites bestioles. Pour la suite c'est plus dramatique, en recherchant des infos supplémentaires ils apprennent que les indiens appelent l'arbre sur lequel pousse les poids sauteurs "l'arbre à flèches". Le rédacteur va essayer d'en apprendre davantage sur cet arbre à flèche espérant pouvoir enrichir le contenu rédactionnel de l'article sur les poids sauteurs. Après bien des péripéties, il obtiendra un mémoire de thèse sur le sujet et apprendra que les indiens l'appelent "arbre à flèches" car son bois sécrète un poison qui tue rapidement le gibier. Stupeur dans la rédaction, et si les poids sauteurs étaient toxiques, on peut facilement imaginer des enfants s'amusant par défis à en manger devant leurs copains. Des analyses sont demandées à des laboratoires qui conclueront au bout de plusieurs jours à la non toxicité des poids sauteurs. Au moment ou ils ont eu les résultats tous les journaux étaient conditionnés. La toxicité des poids sauteurs auraient bien evidemment obligé à la destruction de tous les exemplaires, ce qui aurait coûté la vie au journal. Finallement ce numéro fut un autre énorme succès commercial de Pif Gadget.

Parlons maintenant des héros :
Pif Gadget a abrité une grande variété de héros. La majorité d'entre eux sont encore bien connus. Je pense à Arthur le fantôme, La jungle en folie, Placide et Muzo, Rahan (cheveux de feu ;-), Corto Maltese et mes préférés les "Rigolus et les tristus" qui sont apparus en 1969. Des personnages riches et variés, vivant des aventures qui auront rempli de joie une multitude de bambins. Des dessinateurs auront ainsi pu faire leurs premières armes dans cet exellent journal pour la jeunesse. Quelques auteurs ayant participé à l'aventure Pif Gadget : Arnal, Gotlib, Cézard ,Mandryka et bien d'autres...


Pour conclure :
Les meilleures choses ont toujours une fin ! Finalement Pif et toute sa bande ont raison de prendre leur retraite... Je ne suis pas si surpris, pour des cocos leur aventure aura durée 40 ans. Ils ont donc suffisamment cotisé. Je leur souhaite donc une bonne retraite à taux plein ;-).
En espérant que des éditeurs reprendront en intégrale les aventures des personnages bien attachants qui peuplaient ce journal. Pour permettre à des plus jeunes de découvrir les univers riches et variés des héros qui le peuplaient. Et pourquoi pas aussi pour certains nostalgiques ;-)


Pour découvrir tout l'univers de Pif Gadget et l'historique très détaillé du journal :
http://193.251.82.94/pif-collection/
Ce site est une mine d'information, si vous souhaitez approfondir votre connaissance du journal Pif Gadget, il est tout indiqué !

Un exellent ouvrage sur l'histoire du journal, c'est là que j'ai récupéré l'anecdote des poids sauteurs. "Pif la véritable histoire" de Richard Medioni aux éditions Vaillant.

jeudi 29 janvier 2009

Disparition d'un chien - apparition d'une voix

Perplexe devant la masse de livre que peut contenir un carton de libraire, je tournais autour de mes piles, bon sang, mais qu'est-ce que je vais pouvoir lire?
Mon choix s'est porté sur un livre aux éditions du Seuil, Disparition d'un chien, de Catherine Lépront.

Je ne connaissais pas cet auteur, même pas de nom , alors qu'il semble qu'elle ait beaucoup publié, tant chez Gallimard qu'au Seuil.
Alors, Disparition d'un chien, c'est d'abord pour moi une très bonne surprise, drôle, rafraichissante.
Une enquête autour du meurtre d'une jeune femme, sente de Zanzibar, dans une communauté d'artistes en tous genres. Mais une deuxième enquête sur la première va exploser les codes du roman policier. Et quand on vous annonce, cerise sur le gâteau, qu'une habitante de la sente est une romancière de polar, qu'elle s'empare de l'affaire et nous assène ses théories sur le roman, on commence à entrevoir le joyeux foutoir qui règne dans ce livre ; entretenu par une construction du livre tout en digressions, allers-retours dans le passé et les souvenirs de la narratrice, et une multitude de personnages, habitants de la sente.
Une polyphonie maîtrisée de bout en bout, des personnages truculents, attachants, avec une vraie profondeur qui se développe tranquillement, au rythme sinueux de ce roman, tout cela transforme ce livre un pur régal, un moment inattendu.

Pour mieux vous rendre compte, un extrait du livre.
La présentation d'un attribut essentiel de Martin, l'un des habitants : sa machine à coudre, où plutôt la machine maudite qui n'a jamais servi qu'en temps de guerre (14-18, 39-45, le Vietnam...), depuis quatre générations ; et, avec, de sa tante Sidonie.

"Quand, dix-huit mois après le retour de Saigon, l'imprimeur Schongauer avait annoncé à sa belle-sœur Sidonie la naissance de sa première fille, sans pouvoir réprimer sa jubilation, Sidonie lui avait fait remarquer Il n'y a vraiment pas de quoi se marrer, parce que j'aime autant te dire tout de suite que, puisque c'est une fille, une guerre va éclater dans moins de vingt ans dans les environs immédiat de cette foutue machine à coudre, et que ta fille, dont la naissance te fait tant rigoler, couillon que tu es, est d'ores et déjà vouée non seulement à se rompre le dos sur cette maudite bécane, et à tourner la tête de droite et de gauche pour éviter les balles, les obus et tout le toutim qui lui siffleront aux oreilles, mais à y travailler d'arrache-pied dans l'obscurité d'un abri souterrain pour vous nourrir, toi et ta famille ! Si bien que tu peux prétendre aujourd'hui qu'elle a vu le jour, t'auras pas fini d'annoncer à tout le monde que ta fille a vu le jour que, précisément, elle ne verra plus le jour, car elle sera enterrée avec cet engin de malheur, qui n'a jamais fonctionné en temps de paix, à moins que... avait-elle commencé sans reprendre son souffle.
Puis elle avait répété A moins que..."
"Et voilà pourquoi, raconte Martin Schongauer à tout occasion, c'est Sidonie et non notre mère Cécile qui a toujours fait nos rideaux."


Et là, ce n'est qu'un aperçu !

Je vous recommande chaudement la lecture de ce livre, qui, grâce à sa virtuosité romanesque, vous emmène loin ; et puis les personnages sont tous un peu barjots, et, franchement, ça fait du bien !

mercredi 28 janvier 2009

Watchmen bientôt dans les salles obscures...


Le très célèbre roman graphique d'Alan Moore (scénariste) et de Dave Gibbons (dessinateur) va bientôt sortir au cinéma. Je parle bien sûr de Watchmen, le comic culte publié initialement de septembre 1986 à octobre 1987.

Pour ceux qui ne savent pas de quoi il s'agit voici un extrait de l'article de Wikipédia consacré à cet ouvrage :

"L'histoire des Watchmen se déroule en 1985, dans une réalité alternative où des super-héros ayant cessé leur activité de justiciers semblent disparaître un à un, alors que la Troisième Guerre mondiale menace d'éclater à tout moment avec le bloc de l'Est. L'apparition en 1959 du Dr Manhattan, un surhomme doté de pouvoirs en faisant presque l'égal d'un dieu, a modifié l'histoire que nous connaissons : les États-Unis ont gagné la guerre du Viêt Nam, le scandale du Watergate a été étouffé, le pétrole n'est plus une des principales sources d'énergie, et Richard Nixon est toujours président en 1985. L'album est entrecoupé de plusieurs pages de documents écrits issus de l'univers des Watchmen. Articles de journaux, longs passages du journal intime de l'un des personnages, ces documents ne servent pas directement l'intrigue du récit mais permettent de donner une profondeur à l'univers des Watchmen"
Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Watchmen

Vous commencez à sentir que Watchmen est un ouvrage culte et vous avez raison. Sachez que l'intégrale est disponible en section adulte à la médiathèque. Peut-être pour vous l'occasion de découvrir cette œuvre magistrale.

Alors ! L'adaptation cinéma ?
Hum ! Comme beaucoup d'amateurs d'Alan Moore je suis inquiet.

Pourquoi ?
Tout d'abord Alan Moore ne veut pas être mêlé de près ou de loin à cette adaptation. Il en était de même pour les adaptations de "V pour Vendetta" qui est tout de même un bon film d'action mais à des années lumière du comic original, de "From Hell" très très décevant par rapport à la BD et de "La ligue des Gentlemans extraordinaires" qui est à la limite du navet alors qu'encore une fois la BD était vraiment top.

Autre point inquiétant
Le comic book original a été dessiné par Dave Gibbons, hors un des points qui fait sa qualité est son graphisme bien adapté au scénario de Moore. Comment le réalisateur du film va t il pouvoir rendre cet aspect graphique qui faisait le charme du bouquin ? Je suis perplexe !

Le dernier point, et non des moindres est la complexité du scénario original. Comment un film qui fera entre 2h30 et 3h pourra-t-il raconter une histoire aussi complexe ? Un des projets initial d'adaptation prévoyait 6 heures de films qui auraient été diffusés en épisodes pour la télévision.
Je vous entend grincer des dents mais attention, nous sommes aux EU et certaines commandes des télés privés comme HBO par exemple sont d'un excellent niveau et donnent des séries télés à la qualité très supérieure à ce que nous avons droit en France (ce qui n'est pas bien difficile).
Peut être cette solution aurait elle due être privilégiée ?

Si en plus je vous dis que Terry Gillian un temps pressenti pour le réaliser a tout laissé tomber en disant que ce roman graphique n'était pas adaptable au cinéma. Je sens que vous devenez aussi septique que moi.

Bref, je suis inquiet, même si le réalisateur qui a accepté de faire cette adaptation, Zack Snyder dont j'ai beaucoup apprécié l'adaptation de 300 pour le cinéma est au commande de ce film. Mais il est vrai qu'adapter "300" et "Watchmen" au cinéma ce n'est pas, à mon avis, le même travail. Je crains que l'on se retrouve encore une fois avec un bon film d'action. Film qui malheureusement n'arrivera pas à la cheville du comic book original. On verra bien, et on verra mieux le 04 mars lors de la sortie officielle du film en salle.

Quelle conclusion ?
Tout d'abord lisez et relisez le roman graphique original ! Il est disponible dans les bacs à la médiathèque comme je vous l'ai déjà dit plus haut.
Pour ce qui est du film, perso j'irai le voir et je serai certainement déçu mais bon ! A mon avis tous les fans vont se ruer dans les salles obscures et seront eux aussi déçus mais attendons de voir ! Pour les autres, si vous avez une séance un dimanche après midi, allez y, c'est toujours mieux que de regarder Drucker. Je pense que même dans le pire des cas, ce film devrait permettre de passer un bon moment.

Pour finir voici quelques vidéos.

Plus d'infos sur ce film





Watchmen : Les Gardiens - Teaser / Trailer [VO]
envoyé par Lyricis


Sources utilisées pour la rédaction de ce billet et liens complémentaires

http://fr.wikipedia.org/wiki/Watchmen
Cet article de Wikipédia très complet vous présente en long en large et en travers le comic "Watchmen".

"Watchmen chronique d'un désastre annoncé", article publié sur Fluctuat.net (le rédacteur est encore plus septique que moi sur cette adaptation cinéma !)
http://livres.fluctuat.net/blog/32163-watchmen-chronique-d-un-desastre-annonce.html

Le superbe smiley égayant ce billet a été scandaleusement pompé à cette adresse ;-)
http://www.deadlinehollywooddaily.com/watchmen-contracts-on-parade/

Sur le site AlloCiné, vous en apprendrez plus sur les coulisses du tournage et sur la genèse de l'adaptation cinéma :
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=57769.html

mardi 27 janvier 2009

Isabelle de Borchgrave

Lyon, même en hiver est à visiter. Les Musées des Tissus et des Arts décoratifs y présente, après le Museo Fortuny, depuis le 28 novembre 2008 et jusqu'au 26 avril 2009, Rêves de papier une fabuleuse exposition de costumes en papier, hommage de la créatrice contemporaine belge Isabelle de Borchgrave au styliste et peintre italien d'origine espagnole Mariano Fortuny (1871-1949).

Une quarantaine de robes en papier sont exposées qu'Isabelle de Borchgrave a entièrement réalisées pour créer tout un parcours insolite dans le monde de Mariano Fortuny. Ces œuvres illustrent certains épisodes de sa vie, présentent des personnages qui ont marqué son existence, comme Proust et D’Annunzio, et enrichissent le musée des Tissus de reconstitutions variées et de maquettes en trois dimensions des plus attirantes en s’inscrivant dans sa collection permanente.

Un enchantement... fragile et éphémère !

Musées des Tissus et des Arts décoratifs de Lyon
34 rue de la Charité - 69002 Lyon - Tél. + 33 (0)4 78 38 42 00.
Ouvert du mardi au dimanche inclus (sauf lundis et jours fériés) de 10h à 17h30.
Accès : Métro ligne A - station Ampère-Victor Hugo
Le site des musées : http://www.musee-des-tissus.com/enter.html
Le site d'Isabelle de Borchgrave :
http://www.isabelledeborchgrave.com/fr/index.cfm
Le dossier de presse :
http://www.isabelledeborchgrave.com/CPIdeBorchgrave.pdf


© JP Gabrielle


Un très beau livre en tissu [:-)] aux éditions Fonds Mercator.

samedi 24 janvier 2009

Petit billet pour "grêvasser" (cesser le travail pour laisser son imagination errer au hasard)

Mot-valise : Prenez un mot, coupez-lui la queue. Prenez un autre mot, coupez- lui la tête. Assemblez les deux.
Voici un abécédaire (réellement farfelu, forcément incomplet) des métiers d'aujourd'hui.
Pour dérouiller vos zygomatiques, si besoin est.



Académilicien : membre d'une organisation paramilitaire dont le but est de faire règner l'ordre et la discipline dans la langue française.

Bibliotheckel : chien à pattes courtes, adapté à la chasse au rat de bibliothèque.

Chloriste : membre des Petits Chanteurs à la Javel La Croix.

Dérapeute : médecin qui soigne les écarts de conduite.

Gouroucho : commissaire délégué à l'idéologie dans un régime politique se réclamant des Marx Brothers.

Marmitomane : apprenti cuisinier qui prétend être une grande toque, alors qu'il est seulement un peu toqué.

Lavaboss : chef de cabinets.

Prairipatéticienne : jeune femme qui fait le trottoir en plein champ.

Prêchident : chef de l'Etat ayant un certain penchant pour les discours moralisateurs.

Extraits de L'anarchiviste et le biblioteckel : dictionnaire des mots-valises / Alain Créhange.

vendredi 23 janvier 2009

la valse des étiquettes : de Asthmatic kitty à Ziriguiboom

Malgré ce titre de post abscons, pas de panique.
Au cours des longs moments ennuyeux où votre discothécaire se consacre à rentrer les CD nouveaux dans le catalogue de la médiathèque, il arrive qu'un peu de gaieté dissipe cet ennui

En effet, tout comme les livres, les CD sont produits et diffusés par des sociétés de production, les labels ou en bon français 'étiquettes'. Une jungle où certains sont des labels de labels et d'autres des conglomérats ou groupes de labels. Si certains produisent des artistes renommés et en quantité, beaucoup sont éphémères et sont parfois créés pour être une structure de
diffusion indépendante des maisons de production.

En tout cas, si les musiciens rivalisent d'imagination pour trouver le NOM de scène qui marquera à tout jamais les fans, il en est de même des labels.
Jugez-en au travers de quelques exemples tirés -au hasard- de notre catalogue.

J'ai découvert donc :
Asthmatic kitty aka la fameuse 'minette asthmatique' dont les artistes sont loin de l'être, asthmatiques

Blind Pig 'le cochon aveugle' excellent label de blues
City slang et Piranha, l'allemand
Light in the attic 'de la lumière dans le grenier'
Mute, 'muet' un comble pour un diffuseur de musique
Pias, 'Play It Again Sam', réplique extraite de Casablanca, le film
Righteous Babe label créé par Ani Di Franco 'la vertueuse'
Vicious Circle, label des Bellrays et Minor Majority entre autres
et enfin Ziriguiboom, sous-label de musique brésilienne de Crammed Discs.
De bels exemples chez les labels français aussi, Boxson, Tôt ou tard -mais pas jamais- ou
Zig Zag territoires pour la musique classique.

Et sur internet me direz-vous ? Exact des labels virtuels, les netlabels ou e-labels existent et vous permettent d'écouter et/ou de télécharger les oeuvres d'artistes sous licence Creative Commons.
Je vous laisse en découvrir plus à partir de ce site : netlabels.org

jeudi 22 janvier 2009

Le Tigre vous traque sur le Net...

Vous êtes inscrits sur Facebook !
Vous essayez de retrouver vos anciens camarades de classe sur copains d'avant !
Vous avez signé des pétitions sur le Net !
Vous avez mis des photos de vos dernières vacances sur Flick !

Alors votre vie privée n'a plus de secrets pour personne. C'est la désagréable aventure qui est arrivée à un jeune architecte de Nantes. Les fins limiers du journal "Le tigre" ont, grâce à toutes les traces qu'il a laissé sur Internet, pu reconstituer sa vie jusque dans ses détails les plus intimes.

Surprenant ?

Non, justement !


La multitude de sites de type réseaux sociaux et de partages divers et variés disponibles sur le réseau permettent très facilement de reconstituer la vie des personnes utilisant ces services. Ce coup là, ce n'est pas tombé sur vous mais sur un jeune architecte nantais.
Cet article du journal "Le tigre" a largement été repris dans la presse. On regrettera simplement que les médias plus établis n'aient pas repris aussi d'autres articles de cet excellent journal qui à mon avis étaient autrement plus intéressants... Je vous laisse seuls juges.

Pour conclure, je reprendrais le titre de mon billet ou j'indique que le Tigre vous traque sur le Net. Tant que ce n'est que lui, encore ça va ;-). J'en veux pour preuve la mésaventure arrivé à un jeune candidat qui postulait dans une grosse boîte dont le nom importe peu. Le jour de l'entretien, le jury lui a montré une photo de son derrière prise lors d'une soirée bien arrosée. Le candidat n'a pas eu le poste... (source Le Monde)
Tout ça pour dire que si l'on veut éviter ce genre de désagréments il faut réfléchir à deux fois avant de publier tout et n'importe quoi sur le Net.

L'objectif de cet article était pour les journalistes du Tigre de montrer le danger que pouvait représenter les sites de réseaux sociaux. Quand le ministère de l'intérieur a voulu créer le fichier EDVIGE, il y a eu une levée de boucliers de la part des citoyens. Finalement le ministère de l'intérieur n'aura plus qu'à faire quelques recherches sur le Net pour tout savoir sur notre vie. Chacun se chargeant d'alimenter ses propres fiches (sans en mesurer toutes les conséquences possibles) sur le réseau des réseaux. A méditer !

Pour en savoir plus sur cette affaire qui à mon avis n'en est pas une, vous pouvez cliquer sur ce lien :
http://www.le-tigre.net/Marc-L.html

Pour découvrir ce merveilleux journal qu'est le Tigre, cliquez en dessous :
http://www.le-tigre.net/

mercredi 21 janvier 2009

Marquet a le vent en poupe

Marquet au musée Malraux du Havre jusqu'au dimanche 25 janvier : il est encore temps d'y voir 9 de ses huiles dans l'exposition Sur les quais, de Boudin à Marquet qui partira ensuite pour Bordeaux, port de prédilection du peintre ;
Marquet au musée national de la Marine à Paris, au pied de la tour Eiffel : empruntons ses Itinéraires maritimes, jusqu'au 2 février.

Place du Trocadéro, musée de la Marine : j'ai éprouvé une sérieuse crainte en traversant des salles emplies de figures de proue monumentales et d'embarcations royales dorées à l'or avant d'arriver à "la gal'rie tout au fond", réduite (ouf !) pour la circonstance pour mieux dévoiler l'intimité des peintures d'Albert Marquet (1875-1947). Tant mieux, car il pratiquait le format modeste.

L'entrée en matière est immédiate, et réussie : la présentation des premiers tableaux sur une cursive arrondie nous donne de la perspective, et on sent tout de suite qu'on va se régaler. En réalité, l'exposition a l'air d'avoir été conçue dans un espace en colimaçon : on commence par une vue assez généreuse des 77 peintures de ports, plages, grèves, estuaires et autres quais. Chaque cartel indique l'endroit où Marquet a posé son chevalet, de Stockholm aux bords du Danube, en passant par les côtes vendéennes et méditerranéennes.

Sa femme Marthe, qui a écrit sa biographie, raconte qu'il voyageait six mois par an, avec pour seule exigence de trouver une chambre avec "fenêtre sur port", qui lui donnait un premier cadre indissociable de ce qu'il se voyait peindre. Cette manière de faire lui valut le sarcasme d'être considéré comme "un peintre qui avait beaucoup voyagé mais qui n'avait rien vu".

Ocres et gris des ports nordiques, pluies, fumées et brumes (ah ! le Port de Rouen et son effet scotchant quand on prend du recul...) et puis toutes les teintes ensoleillées des ports du sud et les violets de la lagune de Venise, et souvent ces coups de pinceau noirs pour mettre en lumière des mâtures, un bord de quai, des silhouettes, des esquisses.
Et enfin, au coeur du colimaçon, dans la riche salle des dessins et aquarelles, je me suis surprise à observer une barque sur une eau d'un vert improbable, pour ne pas dire impossible, et de voir tout à coup la surface de l'eau... frissonner !

PS : Il a bien fallu en sortir, de cette gourmandise ! Réimmersion directe dans le gigantesque encyclopédique des salles adjacentes. Entre deux vitrines regorgeant de maquettes de sous-marins, frégates militaires, torpilles, torpilleurs et filets anti-torpilles, j'ai eu le soulagement d'entendre une femme dire à son amoureux planté devant une maquette éclatée : "Tu sais... Je ne suis pas sûre que ce soit un truc de nana !"

mardi 20 janvier 2009

Nouvelles revues à feuilleter

L'espace adulte de la médiathèque s'enrichit de trois nouvelles revues, trois belles revues, alliant exigence et qualité.

La première : XXI, une réalisation des éditions Panama, (maison d'édition qui publie des textes adulte et jeunesse toujours intéressants, et qui malheureusement connait actuellement quelques difficultés...)

4 numéros par an, qui abordent des problèmes de société, tels que l'économie souterraine russe, des voix divergentes en Afrique, ou l'activisme politique en France.
Chaque numéro comprend aussi un long "roman graphique" inédit, notamment, dans le numéro de l'été dernier, un récit de Jean-Philippe Stassen.
C'est riche, dense, et joliment illustré.


La deuxième : La Revue Internationale des Livres et des Idées (RiLi), réalisation des éditions Amsterdam.Une revue pointue de sciences humaines et sociales.
Le concept : à partir d'études de textes récemment parus, les journalistes nous livrent leur vision du monde.
"Ca envoie du steak", comme on dit chez moi ! (en gros, il faut être bien réveillé pour lire ces textes ; mais il s'agît là d'une revue intelligente...)





Et enfin la troisième : Le Matricule des Anges (avec un nom comme ça...)
Une revue sur l'actualité littéraire, théâtrale et cinématographique. Une revue des littératures "en marge".
En bref, vous ne trouverez pas dans ces pages les chroniques sur Amélie Nothomb ou L'élégance de la concierge philosophe (pardon j'ai oublié le titre de ce roman...) ; mais une vraie ouverture sur des textes non-empillables (terminologie Vivian), sur ce qui se fait de bien et dont personne ne parle.
Au programme du dernier numéro : Tanguy Viel et son roman familial : Paris-Brest (et ça tombe bien, Tanguy Viel, c'est le "sujet" de mon prochain billet sur le blog ; elle est belle ma transition, non ???)

samedi 17 janvier 2009

La république des étoiles



J'attache de la valeur à toute forme de vie, à la neige, la fraise, la mouche.

J'attache de la valeur au règne animal et à la république des étoiles.

J'attache de la valeur au vin tant que dure le repas, au sourire involontaire, à la fatigue de celui qui ne s'est pas épargné, à deux vieux qui s'aiment.

J'attache de la valeur à ce qui demain ne vaudra plus rien et à ce qui aujourd'hui vaut encore peu de chose.

J'attache de la valeur à toutes les blessures.

J'attache de la valeur à économiser l'eau, à réparer une paire de souliers, à se taire à temps, à accourir à un cri, à demander la permission avant de s'asseoir, à éprouver de la gratitude sans se souvenir de quoi.

J'attache de la valeur à savoir où se trouve le Nord dans une pièce, quel est le nom du vent en train de sécher la lessive.

J'attache de la valeur au voyage du vagabond, à la clôture de la moniale, à la patience du condamné quelque soit sa faute.

J'attache de la valeur à l'usage du verbe aimer et à l'hypothèse qu'il existe un créateur.

Bien de ces valeurs, je ne les ai pas connues.

Erri DE LUCA in Oeuvres sur l'eau.


Fervente lectrice des romans d'Erri DE LUCA, j'aime ce texte, beaucoup. Il met en lumière des choses invisibles.

Retrouvez cet auteur italien à l'espace Adultes de la médiathèque.

Et si vous aimez ses histoires, son esprit, sa délicatesse, vous adorerez GIANMARIA TESTA, son ami auteur-compositeur-interprète.

S'il n'y avait qu'un album à écouter, sans hésiter : La valse d'un jour (actuellement en commande).

Extrait choisi:

Sono belle le cose (elles sont belles les choses)

Elles sont belles les choses,

beaux les contours des yeux

et les contours du rouge

les accents sur les a, larmes de pierrot, les cils des divas,

les bulles de savon,

le cercle du monde est beau,

l'oxygène des étoiles

et la poésie des retours,

d'émigrants et des îles,

cherchant l'invisible : l'appartenance [...]


Bonne lecture, bonne écoute, bonne année

vendredi 16 janvier 2009

Le premier qui pleure a perdu











Albert Spirit, surnommé Junior, est un indien Spokane. Né tout cassé tout tordu, il accumule les handicaps : myope, maigre et premier de la classe. En vrai, Junior est drôle et assez lucide pour savoir qu'il n'aura aucun avenir s'il reste avec les siens. Il décide alors d'aller à l'école des Blancs, voir ailleurs s'il y est. Admis au prestigieux lycée de Reardan , Junior quitte la réserve. Comme il est né. En éternel optimiste.

Les romans de Sherman Alexie sont toujours plein d'humour, de sensibilité, d'intelligence et très percutants. En parlant des Indiens en particulier, il aborde des sujets plus généraux de l'exclusion, des idées reçues, des dégats monstres de l'alcoolisme, de la pauvreté... sans jamais tomber dans le larmoyant. Aucun ennui à l'horizon, bien au contraire
Vous les trouverez à l'espace adulte.

"Je pleurais, pleurais, pleurais, parce que je savais que je ne boirais jamais et parce que je ne tuerais jamais et parce que j'aurais une vie meilleure là-bas, dans le monde des Blancs.
J'ai pris conscience que j'étais peut-être un Indien solitaire, mais que je n'étais pas seul dans ma solitude.
Il y avait des millions d'autres Américains qui avaient quitté leur lieu de naissance pour poursuivre un rêve.
J'ai pris conscience que, bien sûr, j'étais un Indien Spokane.
J'appartenais à cette tribu.
Mais j'appartenais aussi à la tribu des immigrants américains.
Et à la tribu des joueurs de basket.
Et à la tribu des rats de bibliothèque.
Et à la tribu des dessinateurs...
C'était énorme, comme prise de conscience.
Et c'est là que j'ai su que j'allais m'en sortir."

mercredi 14 janvier 2009

About the author : C.R. Avery

About the author : C. R. Avery was born August 20, 1976. This is his first book of poetry.
[A propos de l'auteur : C. R. Avery est né le 20 août 1976. Ceci est son premier livre de poésie. ]
Ces 2 lignes intrigantes figurent au dos du CD "Magic hour Sailor songs"


Je ne me rappelle plus vraiment ce qui m'a fait acheter ce CD, j'hésite entre mon 6e sens ou l'influence bénéfique de notre médiatrice du livre Ghislaine et de ses ateliers 'slam'
Mais je ne suis pas déçue de découvrir cet artiste plutôt non conventionnel. A l'image de son CD où se côtoient chansons enregistrées et un livret avec non pas les paroles des dites chansons mais quelqu'uns de ses poèmes.

Toujours est-il que vous ne devez pas mourir sans écouter ce septième album/recueil de Mr. C. R. Avery, hélas le seul distribué en France pour l'heure. Cet artiste inclassable compose, chante et joue, il déclame et slamme, il beat-boxe et performe.



Cet éclectique canadien rassemble ici de superbes textes où il mêle Mohammed Ali, Allen Ginsberg, Francfort, Pierre Trudeau, l'Italie, Tom Waits, Bob Dylan...
D'autres textes/poèmes sont en ligne sur son site, toujours simples àcomprendre mais chargés d'émotion : cliquez ici
Eclectique et hors du commun vous dis-je.
La partie CD ne vous décevra pas non plus. La musique est là, splendide et multiforme, minimale sur un hip hop/spoken word, plus folk sur une ballade americana avec cordes, traînante dans un rag jazzy ou un gospel, soutenue par l'harmonica dans un blues..

Outre de belles références et influences littéraires et musicales nord-américaines, de Leonard Cohen à Neil Young, l'homme pratique également la composition d'opéras hip hop, la peinture et dans sa folle jeunesse beaucoup l'autostop.

Multi-casquette au sens propre et figuré, vous pourrez le voir au cours de sa carrière avec ou sans couvrechef, barbu ou imberbe, avec ou sans groupe, en concert avec Tom Waits, Billy Bragg ou SoCalled, mais jamais sans cigarette.
De ses longues années de tabagie - depuis ses 21 ans - et autres abus, il a acquis un phrasé lancinant et une voix rauque, bien particulière, idéale pour nous parler de la cruauté de la vie, les joies et les peines, les voyages, ses amours, sa fille et autres petits riens sans nous envoyer tout droit au suicide.


Extrait de "Birdcage" :
"What's this," she asks.
"Oh that's my magic hour sailor songs."
Her eyebrow goes up in a triangle expressing don't be pulling my bridge.
I explain:
"Each night at dusk when it's too early to sleep and too dark to look for food, we sing
In a rhythmic repetitive rhythmic repetitive rhythmic repetitive chirping
that pierces the spirit
with bad ass blues.
She pulls out the harmonica from the river's mud
places it between my teeth, and whispers
"Smooth as a stone, play free as a bird
one who's been banned from religion like love and the f-word."


"Vous trouverez C.R. Avery dans les bacs de la médiathèque dès que j'aurai trouvé un bon endroit pour ranger cet OSNI (objet sonore non identifié) quelque part entre musique et poésie.

Songs are where poetry comes to life - C. R. Avery
[Les chansons sont là où la poésie prend vie]

Gerry - Gus Van Sant

J'attaquais hier une "rétrospective" Gus Van Sant. Et je commençais, logiquement, par mon film préféré du réalisateur : Gerry.
Réalisé avant Elephant (Palme d'or à Cannes en 2003), le film avait connu quelques difficultés pour être distribué en France ; mais une Palme d'or ça détend le financeur, et le film est finalement sorti en France en 2004. Pour notre plus grand bonheur !

Alors, qu'est-ce donc que Gerry ? et pourquoi est-ce celui-là, parmi une quinzaine de films de Gus Van Sant, que je préfère ?

Le film inaugure la série du réalisateur sur les faits divers, les "instants limites" de l'adolescence (avec Elephant, Last Days et Paranoïd Park).
Inspiré d'une histoire réelle : deux jeunes hommes, amis très proches, se promènent dans le désert, s'y perdent, un seul en revient ; le film donne à voir cet "évènement", ou plutôt ce "non-évènement" du point de vue de l'intensité dramatique.
En effet, dans Gerry, comme dans Elephant (le massacre de Colombine) ou dans Last Days (la mort de Kurt Cobain), la fin du film, connue d'avance, n'est pas le point central vers lequel tend la narration. Dès les premières images nous connaissons le dénouement.
Ce qui tient le film, ce qui lui donne sa raison d'être, ce n'est plus un enchaînement d'actions mais l'observation de ce que cet enchaînement provoque. Pas de "climax".
Et toute l'esthétique du film en découle.
Peu importe que les deux gars s'appellent Gerry, que ce soit ou non leur vrai nom, peu importe la raison pour laquelle ils se sont perdus, peu importe le lieu et le temps.
Ce qui importe c'est comment, d'un point de vue cinématographique, Gus Van Sant va donner cette perte à voir.
Et ce qu'il nous livre est un chef-d'œuvre, de mise en scène (les corps dans l'espace, rien que ça il y aurait de quoi faire trois semaines de billets sur ce blogue !), de mise en lumière, de montage.

De longs travellings ou de longs plans séquences composent le film ; on assiste à des plans qui durent parfois dix minutes, où seule la marche des deux Gerry est filmée. Seule la marche, vraiment ?
Non. La distance parcourue, la distance à parcourir nous traversent grâce à la durée des plans. Le temps s'étire et le spectateur vit, dans sa chair, l'épuisement des deux marcheurs.
L'espace du désert, d'abord identifiable, sur lequel nous avons prise, perd peu à peu de sa matérialité, pour s'achever sur une étendue de sel, blanche, irréaliste, où la ligne d'horizon disparaît, où ciel et terre se confondent, et où seuls les deux corps meurtris restent visibles. Deux corps perdus dans un espace qui n'en est plus un.
Le temps n'est plus une donnée repérable, quantifiable. Passée la première nuit, impossible de dire combien ni comment le temps s'écoule. Est-ce le matin, est-ce le soir ? est-ce le fin des temps ?

Rien n'est expliqué dans ce film. Pas de psychologie, pas de dialogues (ou si peu...), et pourtant, il me semble que, rarement, on partage à ce point une "expérience limite".
En ce qui me concerne, Gerry est, sans aucun doute, l'une des œuvres qui m'a le plus troublée, marquée, ravie (au vrai sens du terme : sortie de moi-même).

Marquant un tournant significatif dans l'œuvre de Gus Van Sant, libéré des codes et des dogmes, et d'une beauté formelle rare, Gerry est une expérience troublante, et un grand film.

mardi 13 janvier 2009

Colorflip... et al.


Quelques œuvres d'un jeune artiste hollando-brésilien du net : Rafaël Rozendaal (une œuvre, un site). C'est curieux, amusant, toujours astucieux, innovant.... mais un peu lassant à fortes doses. A réserver pour les jours de pluie ou pour vos moments de vacuité au boulot. Je vous laisse découvrir Colorflip, Biglongnow,... et les autres [A vous de trouver comment ça marche !]


samedi 10 janvier 2009

Taxidermie - György Palfi

C'est écrit dessus : interdit aux moins de 16 ans.
L'affiche du film est suffisamment explicite : un homme nu, avec un geyser de flammes qui lui sort du sexe...
Avec ça, si je n'étais pas prévenue !
Mais voilà, j'aime les expériences cinématographiques extrêmes... alors j'ai regardé Taxidermie, et attentivement encore ; et tous les plans, et sans presque jamais détourner le regard...
Qui dit mieux ????


Facile de résumer ce film : l'histoire de la Hongrie, à travers trois portraits : le grand-père, aide de camp martyrisé par son chef ; le père, champion de "bouffe-sportive" sous l'ère communiste ; le fils, taxidermiste, de nos jours. Et quand on a dit ça, on n'a rien dit !

Le film s'ouvre avec une voix off, le temps du générique : "Qui se souvient de la famille Belatony ?". Cette narration semble placer le film dans le plus grand classicisme ; effet amplifié par les premières images : de belles couleurs sépia pour une scène de bain, des plans larges, panoramiques, sur une campagne hongroise désolée ; tout contribue dans ces premières secondes à un beau raffinement.
Et puis subitement... subitement, on assiste au rituel de masturbation du 1er personnage : à l'aide d'une bougie il contraint son corps à une jouissance dans la pire souffrance.
Ce corps exploré, détaillé, et meurtri sera le fil conducteur de toute l'œuvre ; le lieu de la transmission du grand-père au petit-fils.


3 générations, 3 temps, et 3 façons de questionner l'humain qui est en nous, mettre en lumière cette part d'animalité qui nous compose.
3 rapports névrosés au corps. Et quelle névroses !
Le film est découpé en trois séquences d'égale durée, 30 minutes chacune, pour expliquer, tenter de comprendre.

Visuellement, le film est parfois insupportable. Le deuxième personnage, le "sportif de la bouffe" passe la moitié du temps à vomir ce qu'il a ingurgité juste avant. La première partie du film met en scène des rapports sexuels de façon excessivement crue ; aucune complaisance pour le corps filmé. Quant à la dernière partie, qui raconte l'histoire du petit-fils taxidermiste, elle surpasse en violence visuelle, en "gore" tout ce qui précède.

Alors pourquoi ? Quel intérêt à cette accumulation d'images ?

D'abord pour les trouvailles narratives et visuelles, le beauté des images (oui, et c'est là que le bas blesse : ce film est beau...), mais surtout pour le "choc intellectuel" que provoque ce film.
Impossible de ne pas y penser, et y penser encore. Impossible de ne pas lire dans les cicatrices des hommes les blessures d'un pays, la Hongrie, et plus généralement, les nôtres. Impossible de ne pas se voir, là, dans ces images qui nous dégoutent.
Et puis il y a aussi ce dernier plan, la statue du David de Michel-Ange décapitée, ce corps sublimé, et ici amputé, qui renverse le système du film ; et qui nous place devant d'autres interrogations : que met-on en jeu lors de la création ? A quel prix humain ce corps magnifié ? Que reste-t-il d'humain à cet homme ? La statue sans tête : l'homme ne peut-il être que son corps ? Quelle perfection, finalement, dans ce corps ?


Je le répète, j'aime les expériences extrêmes cinématographiques. Si tel n'est pas votre cas, ne regardez pas ce film. Sinon, préparez-vous à passer un moment difficile, éprouvant.
Mais, finalement, ce sont ces œuvres-là qui restent.

Le très riche et très beau site du film : ici
A la médiathèque : DVD PAL

vendredi 9 janvier 2009

Ce que le jour doit à la nuit




En matière de lecture, j'ai fini l'année 2008 en beauté avec le dernier roman de Yasmina Khadra "Ce que le jour doit à la nuit".
Le titre m'a tout de suite plu. Je profitai d'un rapide aller-retour à Paris pour le commencer. Habituellement, ce trajet n'en finit pas et là j'aurai pu traverser la France sans lever une seconde les yeux de ce livre bouleversant. Captivée, emportée loin de cette froide Normandie de fin d'année vers le soleil de l'Algérie des années 30. C'est étrange d'avoir la nostalgie d'un endroit que l'on ne connaît pas. En refermant ce livre, Rio Salado où se déroule l'histoire me manquait. J'avais envie de revoir Oran où je ne suis jamais allée.

Voici les premières lignes du livre :

"Mon père était heureux. Je ne l'en croyais pas capable. Par moments, sa mine délivrée de ses angoisses me troublait. Accroupi sur un amas de pierraille, les bras autour des genoux, il regardait la brise enlacer la sveltesse des chaumes, se coucher dessus, y fourrager avec fébrilité. Les champs de blé ondoyaient comme la crinière de milliers de chevaux galopant à travers la plaine. C'était une vision identique à celle qu'offre la mer quand la houle l'engrosse. Et mon père souriait."


C'est Younes, le jeune narrateur qui parle. C'est le seul moment où son père a le sourire. Ce père qui veut assurer l'avenir de ses enfants malgré la misère qui l'écrase est bouleversant. Dans cette Algérie où deux communautés se déchirent, Younes devra trouver sa place et faire des choix qui décideront de toute sa vie à venir.

"Si tu veux faire de ta vie un maillon d'éternité et rester lucide jusque dans le coeur du délire, aime... Aime de toutes tes forces, aime comme si tu ne savais rien faire d'autre, aime à rendre jaloux les princes et les dieux... car c'est en l'amour que toute laideur se découvre une beauté."

Vous trouverez ce livre à l'espace adulte : R KHA

jeudi 8 janvier 2009

Exposition

Dans le cadre du "projet passerelles" reconduit pour la cinquième année, la médiathèque s'associe à la BNF et aux établissement scolaires de ville de Lisieux, autour de la proposition de la BNF : "Ecrire la ville".
Le thème de la ville sera décliné dans l'ensemble de l'établissement.

du 6 janvier au 28 février


"affectation de voies"
Cendres Delort, plasticienne, née en 1972, vit et travaille à Caen

Telle une conjugaison transversale associant les langages du corps, de l'objet et de l'écriture, "affectation de voies" joue tant sur les règles de la langue que sur la forme, le sens et le son des mots, dans un mariage insolite avec les objets codés que sont les panneaux de signalisation routière. Ronds, flèches, panneaux de rue et panonceaux associent au brouillage sensible des mots leur propre code de formes et de couleurs pour délivrer un autre état du langage, personnel et poétique.
Cendres Delort




A partir du 6 janvier, mise à disposition du hall d'accueil pour les élèves du "projet passerelles".



"New-York"
Exposition des travaux d' élèves du lycée Gambier, aprés leur rencontre avec l'artiste
Viviane Douek.

mercredi 7 janvier 2009

J'aime la BAC !

Drôle de titre pour ce billet. N'allez pas croire que j'admire les pandores jouant aux cowboys dans nos villes. Non non ! La BAC dont je parle est beaucoup plus drôle, il s'agit de la Brigade Activiste des Clowns.

Qu'est ce donc ?
Il s'agit d'un collectif qui dénonce les travers (qui penchent plus ou moins) que prend notre société grâce à l'humour et à des actions spectaculaires. Un regroupement de bons à rien gauchistes ma bonne dame !

Mais que font-ils ?
Ils ont par exemple commencé par nettoyer, au sens propre, la mairie de Neuilly au karcher en novembre 2005. Ils ont aussi attaqué l'île longue (base de sous marins nucléaires français) avec une baignoire en plastique, ils ont fait aussi plein d'autres choses présentées plus en détails dans le lien que j'ai mis en fin d'article.
Pour le cas qui nous intéresse ici, ils ont organisé un autodafé fictif à la BPI. Ils ont choisi de brûler des livres d'extrême gauche et de révolutionnaires. En effet, après l'affaire de Tarnac, chacun prend conscience du danger que peuvent représenter certains livres... si la police les trouve chez vous ;-)
Ils ont à cœur de préserver les lecteurs de lectures séditieuses et de les mettre à l'abri de descentes inopinées de pandores. Qu'ils en soient publiquement remerciés ;-)

C'est cette action que vous allez pouvoir retrouver en vidéo ci-dessous.




Vous êtes curieux et souhaitez en savoir plus, je vous invite à lire cet article de Télérama, qui présente ce petit groupe de clowns bien sympathiques :-)
http://www.telerama.fr/monde/la-politique-du-pitre,37186.php

mardi 6 janvier 2009

L’« art » du dessin dans les marges et ailleurs… déjà…

Du sérieux à l’émerveillement en passant par le sourire (voire le rire, mais aux archives, ça ne se fait pas voyons !), je vais vous présenter quelques découvertes faites dans différents dépôts d’archives en Normandie et réalisées (en théorie) par les plus sérieux des hommes (scribes, hommes d’église ou receveurs des finances).

Commençons par les choses sérieuses avec quelques schémas d’époque



A droite, le schéma d'une porte dans un registre de Pont-Audemer



A gauche, le schéma d'un orgue dans un registre de Tancarville (1463)


… suivi de l’émerveillement avec la couverture d'un registre de l'église Saint-Vivien de Rouen (1493) qui ne donne pas envie de voir le reste...





et pourtant…










Enfin le sourire - non, non ! on ne rit pas aux archives… - avec une possible étude de prix accompagnée de la remarque d’un chercheur avisé…


Sans oublier les lettrines insolites dites grotesques (terme est utilisé par certains archivistes pour qualifier les majuscules décorées dans des registres anciens). Leur esthétique nous éloigne des belles enluminures que chacun connaît...

… mais aussi des illustrations qui auraient pu accompagner des légendes et histoires médiévales















A gauche, l'archange Saint-Michel et à droite, sans doute un évêque (à Bayeux).

Tout ceci datant du XVe ou XVIe siècle… (à l’exception du ticket : pour ceux qui ont un doute, la date est dessus…)
Ces pages sont donc des pages qui ont vécues des moments sérieux, mais pas uniquement… comme quoi les petits bonshommes dans les marges ne sont pas l’invention des écoliers que l’on connaît… Ceux-ci n’ont maintenant qu’à bien se tenir…