mardi 27 mai 2008

El origen de la tristeza

L'origine de la tristesse, de Pablo Ramos ; traduit de l'espagnol (Argentine). Métaillié, 2008.

La pin-up de couverture, épinglée - ça va de soi- dans l'atelier de mécanique du père de Gabriel, nourrit les premiers émois sexuels de ce gamin de treize ans vivant à la limite d'un bidonville de Buenos Aires, là où la rivière est si polluée qu'elle peut prendre feu.
Ce n'est pas par son originalité que brille ce récit, qui sent l'autobiographie à plein nez : en fait on s'en moque qu'il s'agisse encore d'une enfance qui nous glisse inéluctablement entre les doigts. Le livre surfe constamment "à la limite de" : joies et peurs avec les copains du quartier, angoisses et peines des parents, débordements et retenues des sentiments. En arrière-plan, c'est la débâcle de ce pays riche et le désenchantement de sa société que l'on découvre.
Mais Gabriel aussi est "à la limite de", et c'est bien là l'origine de sa tristesse : il quitte le monde de son enfance quand il perçoit le silence qui règne désormais dans la maison familiale.
Ce roman est émouvant, il est débordant de tendresse et de désespoir, ce qui pourrait assurer un parfait cocktail tire-larmes.

En réalité, ce n'est pas uniquement son histoire qui m'a touchée, c'est plutôt un petit paragraphe, en haut d'une page de gauche, où Gabriel décrit la rivalité qui l'oppose à son frère Alejandro au cours d'un jeu d'enfants ("Pain et Fromage") typiquement argentin.
Je relis le passage encore et encore pour bien visualiser la scène parce qu'elle m'intrigue, et puis elle me dérange aussi, et enfin je comprends : je suis sur le point de voir et d'entendre bien au-delà de ces mots devant mes yeux, qui ne pourraient être que des mots et qui vont me transporter bien plus loin.
Il me vient alors l'idée de re-traduire le nom de ce jeu en espagnol et... c'est la magie de la mémoire qui montre alors toute sa force et m'envahit. L'instant d'un éclair, je saisis un souvenir intact et jamais repêché dans mon histoire : je suis en train de jouer à ce même jeu dans la vaste cour du "Collège français" de Buenos Aires, au milieu de laquelle trône un araucaria qui gratte le ciel de ses branches immenses. Je distingue des visages jamais revus (et je pleure).

Chic ! Il me reste encore des bribes de mon enfance auxquelles je n'ai jamais touchées.
Celle-ci date quand même de 1966, année de naissance de l'auteur... A propos, comment lui dire merci ?

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