mardi 26 février 2008

La part obscure de nous-même, Elisabeth Roudineso

Le dernier ouvrage d'Elisabeth ROUDINESCO s'intitule "La part obscure de nous-mêmes" avec pour sous-titre "une histoire des pervers".
A travers cette histoire illustrée du Moyen-Age à nos jours par un certain nombre de figures emblématiques, l'auteure montre que la notion même de perversion a évolué avec le temps, les changements de mentalités et une meilleure connaissance du fonctionnement de l'âme humaine.
Mais surtout elle analyse ce terme souvent galvaudé et montre que tout être humain possède sa part obscure qui peut être le fondement d'une oeuvre d'art lorsqu'elle est sublimée, ou conduire aux crimes les plus abjects lorsqu'elle devient la norme érigée en raison d'Etat.
Et Elisabeth ROUDINESCO consacre des pages particulièrement pertinentes et fortes au nazisme et à la solution finale, reprenant l'analyse d'Hannah ARENDT selon laquelle EICHMANN était "affreusement normal puisqu'il était l'agent d'une inversion de la Loi qui avait fait du crime la norme". La singularité du système nazi est qu'ici le crime n'est plus l'expression d'une transgression ou d'une pulsion non maîtrisée mais qu'il est commis au nom d'une norme rationalisée.

La dernière partie de l'essai,"La société perverse", concerne notre époque qui croit pouvoir éradiquer la perversion par la science comme s'il s'agissait d'une maladie.
Dans une analyse claire des mécanismes qui régissent notre société, l'auteure nous met en garde contre un certain nombre de dérives qui risquent tout simplement d'abolir la distinction entre le bien et le mal.
Lorsqu'Elisabeth ROUDINESCO parle d'Ethique, de Psychanalyse, de Philosophie ou de Loi c'est dans un langage simple et jamais en tant que concepts éloignés de la réalité. Ce qui rend son livre passionnant c'est qu'il nous concerne parce qu'il est toujours écrit au niveau de l'humain et que tous ses exemples sont pris dans notre H(h)istoire.
Elle nous amène, certes, à nous interroger sur la relativité de certaines notions face au temps, mais elle plaide surtout pour une connaissance sans hypocrisie et sans puritanisme de nous-mêmes et de notre part obscure.

On peut, bien sûr, trouver ce livre lumineux et beaucoup plus riche que cette simple présentation, à la Médiathèque !

Martine, envoyée spéciale en chef pour la médiathèque.

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